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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

sation et la puissance intellectuelle et morale, elles ont ôté toute sa force au principe asiatique (Phil. de l’hist. 267). »

« Et remarquez bien la différence immense qu’il y a entre l’Occident et l’Orient. Dans la splendeur étincelante de l’Orient l’individu disparaît, tandis que dans l’Occident elle devient la lumière de la pensée ; cette pensée, elle frappe comme la fondre dans son propre sein, elle y éclaire et rayonne, elle rejaillit delà à l’extérieur et produit tout un monde (Hist. de la phil. I, 117). » « Hellénie ! Hellénie ! voilà un nom qui doit dans l’âme d’un Européen civilisé, et principalement d’un Allemand, éveiller un sentiment que je voudrais presque appeler la maladie du pays. Les Européens, il est vrai, ne sont point redevables à la Grèce de leur religion, c’est à dire de ce qui est au-delà du monde humain et naturel ; ils l’ont reçue de l’Orient, principalement de la Syrie, contrée plus reculée que la Grèce. Mais nous n’oublierons jamais que c’est directement par la Grèce, ou par le détour de Rome, que nous sont parvenus l’art, la science, bref tout ce qui ennoblit notre existence, la rajeunit, la tranquillise et l’embellit. » Hége) n’aime point l’influence de ce qu’il appelle le syrien ou galiléen, et le latin : « Ces races européennes, après s’être domiciliées chez elles en fixant leur attention sur le présent, ont compris enfin t’inutilité de l’historique ou de l’étranger. Ce n’est qu’alors que l’homme européen a commencé à être chez lui, et il s’est tourné vers l’antiquité hellénique. Laissons donc à l’église et à la jurisprudence leur latin et leur romanisme ; une science plus élevée et plus émancipée, nos beaux-arts libres, notre goût esthétique, l’amour de l’art, tout cela, nous ne l’ignorons pas, nous l’avons puisé dans la vie de l’esprit hellénique, qui en est la vraie source. Il y a quelque communauté spirituelle entre nous et les Hellènes ; chez eux il n’y a pas un au-delà, pas de religion proprement dite, rien de transcendant ; les belles statues, les beaux temples des Hellènes ce sont autant de jouissances de leur existence mais ils savaient aussi travailler comme les héros travaillent, dans leurs institutions politiques et dans leurs immortels exploits (I. 171). » « Ce qu’il y a de vraiment gigantesque chez les Hellènes, ce sont les individualités, tous leurs grands virtuoses en art, poésie, chant, sciences, probité, vertus (I, 176). »

Hegel paraît être content de ne pas y rencontrer aussi des virtuoses en religion et en transcendance, comme dans la race syrienne.