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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

ailleurs. Alors l’esprit se réconcilia avec le monde, et il le fit, non dans une vague et creuse abstraction, par l’espoir d’un jugement dernier et de la spiritualisation vaporeuse du monde, quand elle ne serait plus une réalité. Il s’agit du monde, messieurs, mais non d’un monde évaporé et sublimé. » (II, 212.) « Les réformateurs ecclésiastiques ont fait de la doctrine dogmatique comme d’un bas de laine, ils ont fini par en retirer fil par fil, et ils ont réduit le christianisme à un fil plat et uni qu’ils croyaient la parole divine telle qu’elle existe dans les livres du Nouveau-Testament. » (III, 109.) « Cette éternelle question : Serai-je damné ? Ne le serai-je pas ? est un vrai crime, parce qu’on s’y occupe toujours de soi-même sans penser aux grands intérêts politiques. » (II, 73.) « D’un autre côté, l’Église, il faut l’avouer, avait exécuté une sorte de réconciliation entre l’intérieur et l’extérieur. Église dominante et régnante, elle absorbe la réalité, le cœur humain avec toutes ses passions, mais cela y devient aussitôt dépourvu d’esprit et de spiritualité. C’est là un gouvernement basé sur l’absence de l’esprit, l’extérieur y devient principe et l’homme, tout en se croyant initié et rentré chez lui, reste misérablement dehors ; c’est une complète incarnation de la non-liberté. La vérité, au contraire, est le moral, le principe de la liberté entré dans la réalité mondaine, de sorte qu’il en puisse sortir une manifestation de la raison. Alors on aura la liberté devenue concrète, la volonté disciplinée et devenue raisonnable, l’État politique et social, qui à son tour va absorber le monde transcendant et ultérieur de l’Église ; or, comme là il n’y a plus rien qui reste religieux, l’Église se dissout, et voit proclamer sa non-existence. » (Phil. de la rel., II, 340.) « Cette scission de l’État et de l’Église a été pour l’État le plus grand bonheur ; ce n’est que par cette opération que l’État a pu devenir ce qu’il doit être, c’est-à-dire la moralité présente, la raison vivante et objective. (Phil. du droit, 270.) « On recommande la religion surtout pour les époques de la misère publique et de l’oppression, on dit qu’il faut s’adresser à la religion quand on a besoin de consolation pour des griefs, et quand on espère des dédommagements ; on dit aussi que la religion doit rester impassible en face des intérêts réels et mondains. Or, l’État politique a précisément jeté ses racines dans le monde, c’est l’esprit devenu mondain ; on ne le pose donc par là nullement comme but essentiel et sérieux de la religion, on abandonne même le gouverne-