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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

forme particulière et exclusive, et qui s’attaque à la réalité et à la vérité manifestées sous des formes politiques. La religiosité d’aujourd’hui, je le sais, ne va pas si loin ; elle se contente de gémir et de se pavaner dans son ambition ; c’est qu’elle est affaiblie. » — « Ne nous arrêtons pas à la Bible, messieurs, marchons toujours en avant, pensons. Et quand on nous veut prouver la vérité d’un fait par le témoignage des miracles, répliquons alors que la sphère merveilleuse ne regarde pas l’esprit pensant ; comment l’idée éternelle pourrait-elle acquérir connaissance d’elle-meme quand elle devrait imaginer une puissance élevée au-dessus du connexe naturel des choses ? Un miracle, pour qu’il puisse témoigner, a d’abord besoin d’être accrédité ; il veut accréditer l’idée, mais heureusement cell-là n’a pas besoin de témoignage, et elle ne témoigne non plus en leur faveur. » (Phil. de la rel., II, 201 ; II, 325.) « Du reste, nous ferons mieux de ne nous occuper point des miracles. » — « Il suffit de savoir que cette sorte de témoignage, d’une façon purement extérieure et formelle, ne vaut rien, puisqu’elle voudrait forcer l’homme à croire une chose qu’il ne peut ni ne doit croire quand il est arrivé à un certain degré de civilisation. On nous crie croyez, croyez : mais il ne faut pas croire à un contenu qui est borné, c’est-à-dire l’œuvre d’un hasard et par conséquent non vrai, Les lumières se sont faites et elles ont maîtrisé les croyances. » (II, 324.) « On n’a pas même besoin de douter de la bonne volonté des témoins en fait de miracles, mais pour observer les phénomènes l’homme doit avoir une intelligence prosaïque et cultivée : les anciens ne l’avaient jamais, ils n’étaient jamais capables de comprendre l’histoire dans sa finalité en y trouvant la véritable signification. Pour eux la ligne de démarcation entre la poésie et la prose n’existait pas encore. » (I, 148.) « Ne leur en faisons pas un reproche ; l’homme qui n’a pas encore reconnu la connexité des choses comme leur nature objective et comme des lois générales, qui n’en a pas encore une intuition théorique, croit nécessairement aux miracles. » (II, 60)

L’origine du christianisme se fit dans un temps où il y avait un mépris universel pour la nature ; elle était censée ne signifier rien par elle-même, on lui imputait des forces qui n’avaient rien de plus pressé à faire que de servir l’homme, qui comme magicien pouvait arbitrairement en disposer pour les soumettre à ses désirs