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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

du firmament. L’œil est de nature céleste ; la vue, la théoria des anciens Hellènes[1] offre quelque chose de plus qu’un simple jeu de mots du dictionnaire grec. Les premiers qui ont philosophé étaient des astronomes ; ils se rappelaient par l’aspect de l’azur et de la lumière de la voûte céleste que l’homme n’a point seulement à agir, mais aussi à réfléchir, à méditer, à penser, à faire de la théorie, et non-seulement de la pratique.

L’être absolu de l’homme, c’est son être à lui l’être humain. Ainsi le pouvoir qu’exerce sur l'’homme un objet qui s’est mis en rapport avec ses sensations et son sentiment est bien la puissance de ces sensations et de ce sentiment ; ainsi, le pouvoir qu’exerce sur l’homme un objet qui s’est mis en rapport avec son intelligence, sa raison, est décidément la puissance de cette raison de cette intelligence ainsi, le pouvoir qu’exerce sur l’homme un objet qui s’est mis en rapport avec sa volonté, est à coup sûr la puissance de cette volonté elle-même. Voyez ce jeune homme, son être se trouve sous la domination du ton musical ; il est gouverné, absorbé par le sentiment qui s’est mis en rapport avec la musique, ou qui a son élément spécial dans la musique. Le sentiment n’est donc déterminé, gouverné, dirigé que par ce qui est du sentiment ; de même la volonté, de même l’intelligence.

Et comme ces trois grandes manifestations de l’être humain, vouloir, penser et aimer, sont des perfections, des réalités, des puissances, cet être doit nécessairement percevoir ces trois puissances comme autant de puissances infinies, non bornées ; et, en effet, nous ne percevons point, par la volonté, la volonté comme puissance bornée, ni par l’intelligence, l’intelligence comme puissance bornée, ni par le sentiment, le sentiment comme puissance bornée. Je dis borné, limité, c’est un euphémisme, il faudrait dire nul, néant. Nullité, c’est le nom pathologique pratique ; finalité, c’est le nom métaphysique théorique ; l’un et l’autre sont identiques.

Avoir conscience du moi personnel, c’est avoir affirmé ce met, c’est se manifester en pensant, aimant, agissant ; avoir conscience du moi, c’est éprouver de la joie à cause des puissances de ce moi. Même la vanité humaine en fournit an exemple l’homme se regardant dans le miroir, est ému de joie de sa forme humaine ou, Ainsi le pouvoir

  1. Et théos Dieu. (Note du traducteur)