L’ESSENCE
DE LA RELIGION.
Je parlerai ici de la religion en tant qu’elle s’occupe de la nature.
Dans ma dissertation sur le christianisme catholique et le luthéranisme,
qui trouvent leur Dieu dans l’homme, je n’ai pu traiter cet
autre objet de la religion. Nature est un mot général que l’homme
applique à tout l’ensemble des choses et les êtres qui diffèrent de
lui et de ses produits ; mais il faut se garder d’entendre par ce mot
un être général, une abstraction faite de tous les objets réellement
existants, un être personnifié et mystérieux. En d’autres termes, la
nature est ce qui diffère de l’être personnel humain ou de Dieu, ce
qui n’a ni qualités humaines ni individualité humaine.
La base de la religion est le sentiment que nous avons de notre dépendance ; nous nous sentons tous dépendants de la nature, elle est par conséquent l’objet primitif de la religion. L’histoire le prouve suffisamment. Dans cette acception du mot, la religion est innée à l’homme, mais elle ne l’est point quand on entend par ce mot le théisme, la croyance particulièrement religieuse.
Les animaux et l’homme dans son état primitif ne sentent leur dépendance que très obscurément. La lumière qui éclaire l’œil, l’atmosphère qui remplit les poumons, l’aliment qui nourrit l’estomac, tout ceci est un ensemble d’objets auquel l’individu se