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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

tu penses, tu crées, mais tu vas cesser d’exister pour ne plus revenir : hapax legomenon.


Chapitre VIII.

Le Mystère du Logos et de l’Image divine.


L’intérêt de la chrétienté se porta, nous l’avons dit, spécialement sur la deuxième hypostase, sur la personne du Christ comme Fils de Dieu ; « negas Deum si non omnia Filio quae Dei sunt, deferuntur (Ambroise, Ad. Grat., 3, 7) ; » et l’Église de Rome insista par conséquent sur le dogme qui fait naître le Saint-Esprit du Père et du Fils à la fois, tandis que l’Église de Constantinople se déclara pour cette autre formule d’après laquelle il naît seulement du Père (voyez Walch, Hict. contr. gr. et lat. de proc. spir.). La dispute sur homo-ousios et homoï-ousios, dont toute la différence extérieure se concentra dans la petite lettre i, n’était donc vide de sens ; il s’y agissait de la dignité du christianisme et du Christ lui-même. Le Christ, comme médiateur, est réellement le Dieu chrétien. Prenez une religion dite révélée quelconque, vous y aurez toujours un médiateur, et c’est lui qui est l’objet immédiat de cette religion, auquel s’adressent les prières. On ne prie un saint que parce qu’on est convaincu d’avance de l’influence qu’il va exercer sur la volonté de Dieu. La prière, humble et douce en apparence, est toutefois l’instrument par lequel on fait fléchir celui à qui on l’a envoyée. Le saint, la sainte, qui se chargent de la transmettre à l’oreille divine, gouvernent réellement Dieu, et ce que les théologiens romains disent de la différence qui doit exister entre hyperdoulie, doulie et latrie, n’est qu’un tissu des sophismes les plus illogiques et tout à fait contraire à la psychologie. Le Dieu qui plane au-dessus du médiateur, est, en effet, la froide intelligence qui s’est élevée au-dessus du cœur : elle ressemble un peu à ce Fatum, auquel les dieux olympiens eux-mêmes étaient subordonnées.

L’homme, en tant que personnalité accessible aux impressions des sens, cherche partout l’image, l’allégorie, le symbole ; de cette tendance naît le Fils de Dieu. On donnerait de ce procédé psycho-