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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

Ainsi, la destruction radicale de la différence sexuelle, l’extinction de l’instinct sexuel, l’abolition de l’amour entre les deux sexes par conséquent, voilà le principe du ciel et du salut. D’où résulte que le mariage, qui se base sur la conservation de la différence sexuelle, sur la manifestation de l’instinct sexuel, sur l’amour entre les deux sexes, par conséquent, est opposé au ciel et au salut. « Atque hic quam alienus a vero sit, étiam hic reprehenditur quod voluptatem in homine Deo auctore creatam asserit principaliter ; sed hoc divina Scriptura redarguit quae serpentis insidiis atque illecebris infusam Adae atque Evae voluptatem docet, siquidem ipse serpens voluptas sit … quomodo igitur voluptas ad paradisum revocare nos potest, quae sola nos paradiso exuit (Ambros., épist. X, 82) ? » Ce qui est d’une logique parfaite. Pierre Lombard : « Aucun plaisir charnel ne peut exister sans un mélange de péché (sine culpa, dist. 31, 4me liv.). » Grégoire de Tours : « Omnes in peccatis nati sumus, et ex carnis delectatione concepti culpam originalem nobiscum traximus (Petr. Lomb., II, dist. 30, c. 2). » C’est sublime et logique, mais tout près de l’aliénation mentale, comme le passage suivant : « Firmissime tene et nullatenus dubites, omnem hominem, qui per concubitum viri et mulieris concipitur, cum originali peccato nasci ; ex his datur intelligi quid sit originale peccatum, scilicet vitium concupiscentiae, quod in omnes concupiscentialiter natos per Adam intravit (c. 3, aussi distinc. 31, c. 1). » Ambroise « Peccati causa ex carne (ibid) » Saint Augustin ; « Christus peccatum non habet, nec originale traxit, nec suum addidit ; » et il ajoute que le Christ ne s’étant pas marié, n’a pu se souiller du péché originel : Omnis generatus damnatus, voilà la grande formule augustinienne, le mot d’ordre de Carthage et de Rome, adoratrices du Dieu chrétien : Tout homme engendré est damné (Sermon au peuple, p. 294, c. 10, 16). Saint Bernard : « Homo natus de muliere et ob hoc cum reatu (de concid., II)[1]. Peccatum quomodo non fuit, ubi libido non defuit ?… Quo

  1. Il n’y a plus de doute, ce mépris systématique et sacré que le christianisme prêche pour la femme comme fille d’Ève, se manifesta aussi par la position sociale qu’il lui assigna. L’être féminin, regardé et se regardant comme la source du mal, était pendant dix-huit siècles forcément sous la pression inouïe d’un remords perpétuel : de là comme conséquence nécessaire la surexcitation nerveuse et cérébrale permanente, en deux extrêmes : la chasteté contre