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RÉPONSE À UN THÉOLOGIEN

toyablement la personnalité divine, mais aussi la personnalité humaine ; il volatilise, il sublime, il dissout l’homme dans son essence. La vraie doctrine mystique n’est point anthropomorphiste comme la dogmatique ; la mystique c’est de l’enthousiasme tout pur, la doctrine dogmatique c’est du pédantisme tout pur.

Rien de plus facile que de renverser la dogmatique, mais la mystique résiste elle est l’énigme psychologique dans la religion et parfaitement digne d’être un objet de la philosophie. La mystique est bien difficile à interpréter ; là où elle traite, non de matières morales ou pratiques, mais des matières théologiques ou spéculatives, elle est infiniment plus profonde, plus grandiose, plus brillante d’esprit et d’intelligence que la Bible. Et encore saint Bernard ne doit pas compter parmi les mystiques théoriques ou spéculatifs, mais seulement parmi les mystiques ascétiques ou pratiques.

M. Motter se plaint de mot en disant : « L’auteur ne voit que de l’hypocrisie dans notre théologie moderne. » Oui, j’y vois toute une hypocrisie organisée en système. J’appelle ainsi, non l’hypocrisie vulgaire (ma plume ne s’abaisserait jamais jusqu’à lui adresser la parole), mais cette autre manière qui vous donne, par exemple, du miracle une définition apparemment affirmative, mais tellement erronée qu’elle est négative au fond et qu’elle détruit le miracle ; cette hypocrisie scientifique n’a pas même connaissance de ce qu'elle fait. M. Muller dit : « L’auteur se détourne avec dédain de notre christianisme moderne. » Oui, en effet, avec le plus grand dédain, avec le plus juste mépris dont je sois capable, et je ne m’arrête, comme à un objet digne de la pensée et de l'histoire du genre humain, que seulement à trois formes du christianisme : à la forme antique des pères de l’église, rempli de force et de caractère ; à la forme du moyen-âge des mystiques remplis d’amour pur et enthousiaste ; enfin, à la forme protestante, ou plutôt à Luther tout seul, car celui-ci à l’honnenr d’être chrétien et homme à la fois, c’est le premier homme, c’est l’Adam du christianisme, tandis que les mystiques et les pères ne sont que des chrétiens et point des hommes. Avec cette troisième phase le christianisme s'en va, il ne reviendra plus. Dans le protestantisme le génie ne produit plus en religion, mais en science et en poésie.

M. Muller attaque ce que j’ai dit sur le mariage chrétien, et il fait cela d’une méthode parfaitement sophistique, c’est-à-dire théo-