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RÉPONSE À UN THÉOLOGIEN

jecte une de mes thèses, de sorte qu’elle n’est composée que de prémisse et de la conclusion dont le contact immédiat a quelque chose de très choquant pour les lecteurs, comme par exemple : « l’auteur dit que le christianisme affirme l’existence de Dieu, or Dieu c’est la non existence de l’univers, donc le christianisme nie l’univers ». M. Muller, en me faisant dire cette misérable phrase, ne s’aperçoit même pas qu’elle signifie : l’existence de la non-existence de l’univers prouve la non-existence de l’univers ; quel syllogisme ! M. Muller a trouvé bon d’y effacer le terme moyen qui est établi entre l’affirmation de Dieu et la négation de l’univers, c’est la toute-puissance de la volonté qui a tiré l’univers du néant et qui l’y rejettera quand les temps seront accomplis, pour en faire sortir encore un univers, mais d’une forme plus sublime. L’univers est donc un simple produit de la volonté, en d’autres termes il n’existe que par nécessité extérieure, et point par nécessité intérieure, cela veut dire qu’il ne jouit que d’une existence précaire et apparente, dépourvue de toute nécessité essentielle ; ce n’est qu’une ombre. Dire : le monde a été créé de rien, et dire qu’il a été créé par la volonté, est tout à fait identique, comme je l’ai démontré dans plusieurs de mes écrits.

Qu’il me soit finalement permis de relever une erreur étrange de M. Muller, la dernière dont je vais m’occuper cette foi : « Voyez, s’écrie-t-il avec amertume, voyez l’intelligence, elle seule, selon Feuerbach, n’est point égoïste, elle qui contemple avec un enthousiasme égal l’homme, cette image de Dieu, et l’insecte ; elle enfin qui voudrait tout savoir, excepté Dieu. » M. Muller n’a donc point lu mon explication sur le Dieu de l’intelligence on l’intelligence déifiée ; non l’intelligence de l’individu Jacques, de l’individu Charles etc., mais l’essence de l’intelligence. Je dis d’une puissance qu’elle a un Dieu quand elle déifie son essence à elle.

M. Muller aurait dû voir sur chaque page de mon livre, que ma philosophie regarde comme la plus haute, non l’intelligence scientifique de la zoologie ou de la botanique, mais l’intelligence sociale qui s’occupe d’études humanitaires. La nature c’est la base de la morale et de la philosophie, c’est le point de départ d’où sortira une autre vie de l’humanité, c’est la condition sans laquelle il n’y aurait jamais une réorganisation, c’est le seul contre-poison à l’aide duquel on pourra neutraliser le poison du mensonge surna-