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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

sens naturel et humain, mais dans un tout autre sens, aussi contraire à la raison qu’à la nature, dans un sens aussi impossible qu’inconcevable. La première partie démontre donc directement que la théologie est l’anthropologie ; la seconde le fait indirectement.

La seconde est la contre-épreuve de la première, elle sert seulement à faire voir que dans celle-ci la religion a bien été expliquée dans son vrai sens, puisque le sens contraire conduit a l’absurde. Dans la première, je m’occupe de la religion dans la seconde, je m’occupe tant de la théologie ordinaire, positive, que de la théologie philosophique, spéculative. Je me borne cependant à deux sacrements, il n’y en a que deux selon Martin Luther (XVII, 558).

Encore un coup : ne séparez pas trop les deux parties de ce livre ; je ne suis point de ceux qui disent : il n’y a pas de Dieu, la parole divine n’existe pas, il n’y a pas de trinité divine, etc., etc. Je prouve que ce sont-là autant de mystères, qui ont leur place au sein de la nature humaine, et non au-dessus d’elle, comme le prêche la théologie. Je prouve que la religion, après avoir regardé l’homme dans ce qui n’en est que l’apparence la plus superficielle, a été forcément entraînée à se composer, de tout ce qu’il y a de vrai et d’essentiel dans l’homme, un être distinct de l’homme, et que par conséquent, dans les définitions qu’elle donne de Dieu, de la parole divine, etc., elle ne définit, à tout prendre, que l’homme, la parole humaine, etc.

On ne serait donc fondé à me reprocher, de voir dans la religion du non-sens et des illusions, qu’autant que dans l’anthropologie je verrais une illusion, un non-sens ; puisque, comme je viens de le dire, la religion, à mes yeux, n’a d’autre objet, ne contient absolument autre chose que l’homme et les choses humaines, en grec : anthropologie. Or, je suis si éloigné de vouloir supprimer l’anthropologie, que j’y ramène toute la théologie, c’est-à-dire Dieu et les choses divines ou plutôt, je relève l’anthropologie, si injustement méprisée jusqu’aujourd’hui, en l’entendant dans son vrai sens si haut, si riche, si large, et en l’identifiant avec la théologie.

La religion, c’est le rêve de l’esprit humain. Mais, tout en le rêvant, nous ne sommes point réellement transportés dans le ciel, dans le vide ou ailleurs ; nous restons sur ce globe, seulement nous ne voyons plus les objets réels dans leur réalité, dans leur nécessité. Nous les voyons, en rêvant, tels que l’imagination et la fantaisie