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MARGUERITE DE NAVARRE

les syllabes, suivant leur besoin et leur caprice[1]. On modifiait avec encore moins de scrupule les usages très-peu arrêtés de l’orthographe et de la grammaire[2] : circonstances communes au début des littératures, dont le progrès restreint de plus en plus ces tolérances primitives.

Commençons par l’examen du théâtre de Marguerite, si l’on peut donner ce nom à ces modestes productions qui témoignent de l’enfance de l’art, et rappellent pour la plupart ces mystères si goûtés de nos ancêtres. Dans quatre pièces, qui n’en font pour ainsi dire qu’une, dont elles sont comme les actes successifs, elle a raconté, elle a mis en action la naissance et l’enfance du Christ[3]. Voici le cadre très-simple de la première de ces comédies, celle de la Nativité de Jésus-Christ : Joseph et Marie se sont adressés vainement à plusieurs hôtes inhumains, cupides ou amis du plaisir : tous ils ont refusé de les recevoir. Le Sauveur vient au monde dans

  1. Marguerite écrit tour à tour esprit et esperit :
    Noble d’esprit et serf suis de nature ;
    Et plus loin :
    Ô esperit, immortelle étincelle…
  2. Témoin cette suppression de l’s, qui n’a pas cessé tout à fait d’être en usage, du moins à l’égard de certains temps :
    Après il faut qu’en l’histoire tu entre
    Du bon David…
  3. C’est la trilogie antique avec une pièce supplémentaire. — Ajoutons que, dans sa trilogie de l’Enfance du Christ, dont il a composé les paroles et la musique (1854), M. Berlioz ne semble pas avoir peu profité des drames naïfs de Marguerite.