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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

La noblesse, détachée du sol où elle avait sa racine et puisait sa vigueur, s’abaissa sous le niveau commun. Comme tant d’autres descendants de bonne maison qui n’avaient plus guère que leur épée, le père de mademoiselle de Gournay, Guillaume de Jars, fut contraint de quitter le ménage de ses champs, pour chercher un office et des ressources à la cour. Là on allait voir, de plus en plus, trafiquant de leur liberté, les fils de nos fiers chevaliers devenir de souples courtisans : transformation qui ne tourna ni au profit de la couronne ni à la gloire du pays.

Nous savons, au reste, par mademoiselle de Gournay, que son père, qui tirait son origine et son nom du bourg de Jars vers Sancerre, était « un personnage d’honneur et d’entendement : » elle a vanté « sa candeur, sa bonté et sa prudence. » Il est certain que son mérite et son dévouement au prince ne demeurèrent pas sans récompense. Assez libéralement traité, il fut trésorier de la maison du roi ; en outre, il eut sous son commandement divers châteaux jadis bâtis par les Anglais sur notre territoire : on l’appelait, à raison de deux d’entre eux, seigneur de Gournay et de Neufvi. Il posséda d’autres charges plus belles encore, si l’on en croit sa fille, mais seulement par commission, c’est-à-dire pour un temps déterminé ; ce qui fait qu’elle s’abstient de les désigner. Quoi qu’il en soit, il aurait réussi sans doute, grâce à son activité laborieuse et aux biens que lui avait apportés sa femme, à placer sa maison dans un brillant état de prospérité, si la mort ne l’eût arrêté au milieu de sa carrière.