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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

voulait que l’on gravât au frontispice des Essais, comme la seule devise qui en fut digne,

Montaigne écrit ce livre, Apollon l’a conçu,


semble garantir le zèle patient et le scrupule qu’elle apporta dans la reproduction de ce chef-d’œuvre : son respect filial lui en imposait de plus l’obligation. Cependant on a, de nos jours, accusé mademoiselle de Gournay de n’avoir pas suivi le texte original avec assez de fidélité et de rigueur : reproche qui ne doit pas rester sans examen et sans réfutation.

La vérité est que Montaigne avait laissé à sa mort deux exemplaires de la dernière édition des Essais, corrigés et augmentés de sa main ; l’un d’eux, déposé dans la bibliothèque de la communauté des feuillants à Bordeaux, y dormit environ deux siècles. C’est seulement à l’époque de la révolution, et lorsque la bibliothèque des religieux devint la propriété de la ville, qu’il revit le jour et fut consulté. Quelques érudits ne l’ont pas depuis feuilleté sans profit. Livré à mademoiselle de Gournay, l’autre exemplaire a été la base du texte qu’elle a suivi. Rien de plus clairement établi, rien de plus incontestable que cette provenance. Par malheur, la trace de cet exemplaire est présentement perdue ; mais on ne saurait nier qu’il ait survécu longtemps à l’impression[1].

  1. Il en est question dans le Grand Dictionnaire de Moréri, qui s’exprime ainsi, à l’article de mademoiselle de Gournay : « On trouve à la bibliothèque de feu M. Spanheim l’exemplaire dont se servit mademoiselle de Gournay, avec des corrections de la main et suivant la vraie