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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

dit qu’en somme on n’a pas songé à mieux faire pendant longtemps.

Nous avons cru devoir grouper ici tout ce qui lie le souvenir de mademoiselle de Gournay à la destinée des Essais. Reportons-nous au moment où elle revint à Paris après son séjour prolongé dans le château de Montaigne. On a vu que les affaires de la succession maternelle l’avaient ramenée dans la capitale, et que ses penchants littéraires l’y avaient retenue. Sa première jeunesse était passée ; elle ne paraît pas avoir eu la pensée de s’établir : on croira aisément que son goût dominant pour les travaux de l’esprit se fût peu concilié avec les occupations de la mère de famille, et qu’elle ne voulut avoir de souci que celui des lettres. « Héritière des études de ce grand homme, dit Pasquier dans sa belle lettre sur Montaigne, elle se proposa de n’avoir jamais autre mari que son honneur, enrichi par la lecture des bons livres. » Quoi qu’il en soit, elle vécut assez répandue dans le monde distingué et entourée des égards de la bonne compagnie, mais non sans attirer aussi, par quelques singularités d’humeur, la maligne attention des oisifs et des plaisants de profession. On la raillait d’abord d’être demeurée fille, ce qui a toujours été chez nous une source intarissable de facéties plus ou moins mauvaises ; on raillait en outre sa qualité d’auteur : car alors, comme aujourd’hui, nous l’avons déjà indiqué, on voyait volontiers les femmes se renfermer dans le mérite suprême que leur attribue Thucydide, celui de l’obscurité et du silence. Il semble que nous éprouvions le besoin de nous ven-