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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

Malherbisez, ici vous Colombisez[1], cela est gentil. Mais ne saurai-je point votre nom ?

« — Mademoiselle, je m’appelle Racan.

« — Monsieur, vous vous moquez de moi.

« — Moi, mademoiselle, me moquer de cette héroïne, de la fille d’alliance du grand Montaigne, de cette illustre fille de qui Lipse a dit : Videmus quid sit paritura ista virgo !

« — Bien, bien, dit-elle, celui qui vient de sortir a donc voulu se moquer de moi, ou peut-être vous-même vous en voulez-vous moquer ; mais n’importe, la jeunesse peut rire de la vieillesse. Je suis toujours bien aise d’avoir vu deux gentilshommes si bien faits et si spirituels.

« Et là-dessus, ils se séparèrent. Un moment après, voilà le vrai Racan qui entre tout essoufflé. Il était un peu asthmatique, et la demoiselle était logée au troisième étage.

« Mademoiselle, lui dit-il sans cérémonie, excusez si je prends un siège.

« Il fit tout cela de fort mauvaise grâce, et en bégayant.

« — Oh ! la ridicule figure, Jamyn, dit mademoiselle de Gournay.

« — Mademoiselle, dans un quart d’heure je vous dirai pourquoi je suis venu ici, quand j’aurai repris mon haleine. Où diable vous êtes-vous venue loger si haut ? Ah ! disait-il en soufflant, qu’il y a haut ! Made-

  1. Allusion à Colomby, qui fut un des élèves distingués de Malherbe.