Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
MADEMOISELLE DE GOURNAY.

cialement, avec de sages préceptes relatifs à la composition et à la poésie, des observations pleines d’intérêt au point de vue philologique en particulier. Après nous avoir dit, par exemple, que la capitale, réputée l’école du langage et de la prononciation, était pour les provinces l’arbitre de l’usage, elle constate, mais sans l’accepter, l’ascendant de la cour, qui devait finalement prévaloir[1]. Pour la pureté de la langue, les villes de Tours et d’Orléans étaient, d’après elle, « les sœurs de Paris. » Tout avait encore, dans cette époque de transition, un caractère indécis et flottant. Le genre des substantifs était loin d’être fixé ou généralement reconnu. Erreur et amour passaient auprès des uns pour masculins, à cause de leur origine latine ; mais le féminin, pour ce dernier mot surtout, était réclamé par les dames. Beaucoup de termes utiles, en butte à de fort injustes préventions étaient menacés d’être bannis du dictionnaire. Plusieurs nous sont restés ; mais quelques-uns moins heureux ont péri, tels que férir, qui disait plus que frapper ; affoler et certains autres, qu’on n’a pu remplacer que par des circonlocutions. Les disciples de Malherbe et les courtisans, par l’effet d’un goût trop rigoureux ou trop délicat, contestaient pareillement œillade, opportun et les interjections en général ; ils traitaient de scolastiques nombre d’adjectifs entre lesquels était ridicule ; ils frappaient d’interdiction sagacité et humiliation, si nécessaires cepen-

  1. Voyez les Remarques de Vaugelas sur la langue française, préface ; cf. Molière, Critique de l’École des femmes, scène vii.