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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

que dans une création originale, et que, pour rendre avec convenance et justesse les pensées d’autrui, il ne faut pas moins de sens que pour être soi-même inventeur. Elle a mis en français, et non pas certes d’une manière méprisable, deux discours, dont le premier appartient à Tacite : c’est celui de Galba adoptant Pison ; le second est de Salluste, faisant parler Marius au peuple romain : ces harangues, rendues dans un style qui ne manque ni de précision ni de force, elle les adresse à M. de Gélas, évêque d’Agen, avec une lettre où elle expose ses idées sur la traduction, exercice si plein de difficultés et si périlleux, selon elle, qu’on ne saurait s’étonner justement que nous ayons si peu de bons interprètes. On compte encore parmi ses versions l’épître de Laodamie à Protésilas, empruntée aux Héroïdes d’Ovide, et qu’elle offre à sa cousine, Marie de Saint-Mesmin, « vrai modèle, nous dit-elle, d’esprit, de modestie, de candeur, de charité et de foi conjugale ; » la deuxième philippique de Cicéron, où elle s’excuse cette fois d’être un peu plus longue que son auteur, mais où cependant, en reportant ce travail à sa date, on ne la trouvera pas dépourvue de mérite : la véhémence oratoire de l’original est loin d’avoir entièrement disparu dans la copie. Enfin, et ce n’est pas là son moindre titre, elle a traduit en vers français, avec une ardeur souvent heureuse, quelques parties de l’Énéide et quelques autres fragments poétiques.

Ce détail nous amène à considérer le poëte dans mademoiselle de Gournay : et ce n’est pas là, nous croyons pouvoir l’affirmer, le côté le moins saillant de sa phy-