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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

lants de la physionomie du vieux français, ami des propos abrégés, avait également été proscrite. À force d’être logique, régulier et grammatical, notre langage, sans quelques protestations opportunes, n’eût-il donc pas été froid, compassé et roide, marqué de cette justesse géométrique qui n’a rien de commun, dit Pascal, avec celle du goût ? Pour la poésie pareillement, son essor semblait comprimé par d’insignifiantes prescriptions : mademoiselle de Gournay pouvait, avec quelque raison ce semble, traiter de badauds ceux qui condamnaient les rimes de hautain et de butin, de main et de chemin ; et n’était-ce pas, comme elle le dit encore, un scrupule puéril qui défendait d’omettre pas ou point dans ce vers :


Ne soyez sans pitié non plus que sans justice.


Si, par calcul personnel autant que par système, mademoiselle de Gournay a résisté aux doctrines qui rompaient avec le passé, on voit que ce n’était pas toujours mal à propos. Ennemie de ce qu’elle appelait des pointilleries de diction, elle voulait que l’esprit se préoccupât principalement des choses, et en cela elle s’accordait avec tous les maîtres de l’art. Seulement elle ne comprenait pas assez tout ce que la propriété des termes et la pureté du langage ont d’essentiel pour le développement même de la pensée ; mais son attachement aux mots de notre vieil idiome n’était pas sans excuse et sans avantage. On sait en effet combien le dix-septième siècle a fait main basse sur les