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HONORÉ D’URFÉ.

dans la mauvaise fortune ; il ne l’abandonna pas au lit de mort : nous avons de d’Urfé un récit plein d’émotion et de grandeur, des derniers moments de son ami.

M. Bonafous, pour toute cette partie, s’est beaucoup aidé, comme il le confesse loyalement, des recherches de M. Bernard sur les d’Urfé[1] ; riche mine qu’il n’a pas épuisée. De là passant à l’écrivain, il s’est efforcé de nous le montrer sous le jour le plus favorable à l’appréciation de son talent. Le premier de ses ouvrages, le premier du moins qui mérite l’attention de la critique, ce sont ses Épîtres morales, qu’il composa en prison. M. Bonafous leur accorde une importance sans doute motivée ; mais ne va-t-il pas trop loin quand il leur attribue une haute influence sur les développements de la prose française ? Il ne serait pas éloigné de placer les Épîtres à côté des immortels Essais : exagération malheureuse ! En acceptant les passages que M. Bonafous cite comme les plus remarquables, il nous serait trop aisé de réfuter par d’accablantes comparaisons l’opinion de cet écrivain[2]. L’intérêt réel de ce

  1. vol. in-8o, Paris, imprimerie royale, 1839.
  2. Je me bornerai à un exemple ; je lis dans les Épîtres morales, II, 7 : « Les passions et les affections ont leurs effets selon l’âme où elles se rencontrent. Proprement, la forme des passions et des affections, c’est la perfection ou l’imperfection de l’âme. C’est pourquoi, ni au bien ni au mal, on ne doit ni louer ni blâmer que l’âme seule. » Opposons à ces mots les suivants, qui sont de Montaigne, I, 50 : « Les choses, à part elles, ont peut-être leurs poids, mesures et conditions ; mais au dedans, en nous, l’âme les leur taille comme elle l’entend… La santé, la conscience, l’autorité, la science, la richesse, la beauté et leurs contraires, se dépouillent à l’entrée et reçoivent de l’âme nouvelle vêture et la