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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

puisqu’il s’agit de concilier la vérité historique avec l’intérêt que doit exciter notre héros.

Notre héros ! Pour demeurer digne de ce nom, que n’a-t-il continué à guerroyer sur cette terre d’Italie, cimetière des Français, comme on le disait trop justement alors, en même temps qu’elle était un beau théâtre de leur valeur ! Pourquoi faut-il qu’il n’ait pas eu toujours, lui et tant d’autres chefs, des étrangers, de véritables ennemis à combattre ? Son nom ne réveillerait pas aujourd’hui les tristes idées qui s’y rattachent, et sa gloire serait demeurée plus pure. Mais, comme tout son siècle, il paya son tribut à cet esprit de vertige et d’erreur qui s’empara du pays, et il le paya avec l’emportement et la fougue de sa nature.

Montluc lui-même, malgré l’épais bandeau qui couvrait ses yeux, semble avoir entrevu quelque chose de cette réprobation de la postérité, et vouloir s’excuser auprès d’elle des récits qu’il est obligé de lui faire. En terminant son quatrième livre, où s’arrête l’époque brillante et pure de sa carrière : « Je vais commencer, observe-t-il, à écrire les combats où je me suis trouvé durant les guerres civiles, dans lesquelles il m’a fallu, contre mon naturel, user non-seulement de rigueur, mais de cruauté. » Ainsi va-t-il au-devant de l’accusation, comme pour la désarmer.

Reportons-nous donc, nous aussi, par la pensée au milieu de cette époque, où, si l’on excepte un Montaigne et quelques autres, supérieurs à leur temps, l’intolérance était vertu à tous les yeux ; nous en comprendrons mieux les excès, et peut-être les excuserons-nous