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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

effet que de multiplier les dévouements et les victimes ? c’est ce dont on peut sérieusement douter à la lecture même des Commentaires. Ces violences n’aboutirent qu’à provoquer des représailles en rendant les ressentiments implacables. De part et d’autre on cessa de faire des prisonniers. La foi même des traités ne leur garantit pas la vie, et l’on se crut vis-à-vis de ses concitoyens délié des engagements les plus sacrés, qu’on eût rougi d’enfreindre avec les plus cruels ennemis. Montluc s’applaudissait cependant de l’efficacité de ses remèdes et jugeait que par eux il avait mérité « ce beau nom de conservateur de la Guyenne dont le roi l’avait honoré[1]. » Et, remarquait-il ailleurs en rappelant cette charge pesante qu’il avait portée sur ses épaules pendant plusieurs années, « ce n’était pas petite besogne ; car j’avais affaire à des cerveaux aussi fous et gaillards qu’il y en ait dans tout le royaume de France. »

Le suivrons-nous dans ses expéditions à travers cette Guyenne, où partout il marquait son passage par les ruines et par le sang ? On sait trop en effet, et il s’en félicite le premier, que la route qu’il avait suivie était facile à reconnaître : il suffisait de regarder aux arbres qui bordaient les chemins et dont les branches portaient les corps de ses nombreuses victimes[2]. Aussi marchait-il toujours accompagné de bourreaux, qu’il se

  1. Le roi, dit-il encore ailleurs, lui avait attribué trois ou quatre fois l’honneur « d’avoir reconquis et conservé la Guyenne. »
  2. « On pouvait connaître par là où j’étais passé ; car par les arbres sur les chemins on en trouvait les enseignes. »