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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

prouve que des considérations personnelles ou autres lui aient fait altérer sciemment la vérité. Avec une certaine loyauté généreuse, assez rare chez ceux qui se font leurs propres historiens, loin d’imiter ces chefs jaloux de ne partager avec personne la gloire du triomphe, il ne manque jamais de signaler le concours efficace qu’il a reçu de ses compagnons ; car « il ne voudrait pour rien, dit-il, leur dérober leur part d’honneur. » En outre, il se plaît à reconnaître celle que revendique justement, dans nos plus heureux succès, non pas le hasard, comme disaient vaguement les anciens, mais la Providence, ainsi qu’il s’exprime avec plus de sens. Heureusement préservé de cet enivrement de la force aveugle qui est propre aux natures vulgaires, il n’hésite pas à proclamer que son principal appui lui vient de Dieu. Et parfois, naïvement étonné de ce qu’il a fait et des résultats qui ont couronné son audace, il s’écrie : « Dieu au besoin me redoubla les forces. » S’il a échappé à tant de dangers, il n’est pas éloigné d’y voir quelque chose de miraculeux ; et à la fin du récit d’un de ses plus périlleux exploits, il dit d’un ton d’autorité et de conviction : « Je laisse à penser à chacun si Dieu par miracle me sauva. » Cette confiance en Dieu fermait ses yeux à tous les obstacles, en sorte que, grâce à elle, « ce qu’on trouvait impossible, il le trouvait possible. » Ces idées se trouvent à tout moment sous sa plume, et cette source si haute de son courage, en même temps que ces témoignages de sa reconnaissance, doivent le relever à nos yeux. Ainsi Montluc se félicite-t-il, avec les