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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

sentiments religieux dont son livre porte la vive empreinte, « que Dieu ait accompagné autant sa fortune qu’il fit jamais à capitaine de son âge. » En revenant sur un mauvais pas dont il s’est tiré, avec la satisfaction de celui qui, du port, aperçoit la tempête, il lui semble « qu’il a été autant secouru de Dieu qu’homme qui ait porté les armes il y a cent ans. » Il se remettait donc tout entier entre ses mains, « n’ayant jamais passé, dit-il, jour de sa vie sans l’avoir prié. » On attendait peu ces pratiques d’un tel homme, non plus que l’aveu qui suit : « Plusieurs fois je puis dire avec vérité que je me suis trouvé, voyant les ennemis, en telle peur, que je sentais le cœur et les membres s’affaiblir et trembler (ne faisons pas les braves, l’appréhension de la mort vient devant les yeux[1]) ; mais comme j’avais fait mon oraison à Dieu, je sentais mes forces revenir. » Et il cite une courte prière qu’il avait l’habitude de réciter dès son entrée aux armes. À peine l’avait-il achevée, qu’il se sentait tout autre, le cœur et la main également fermes, l’œil aussi clairvoyant que l’esprit, ne craignant plus qu’une chose, c’était de ne pas faire son devoir. Fidèle à cette conduite jusqu’au terme de sa carrière, il était donc bien fondé « à louer Dieu de tout ; car, quelque traverse qu’il eût subie, Dieu l’avait toujours aidé. »

On aime à retrouver un cœur accessible à de tels sentiments sous la cotte d’armes d’un si farouche guer-

  1. Montluc, ailleurs encore, ne se targue pas de n’avoir jamais connu le sentiment de la peur. « Il n’y a homme au monde, dit-il, à qui il n’en vienne quelque peu, quand il voit son ennemi qui lui fait tête. »