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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

rier. Quelque contraste qu’elle forme avec sa conduite habituelle, sa piété fut donc très-réelle. Et il se montre toujours curieux de la proclamer, de la propager autour de lui. S’adressant à ses compagnons : « Il faut, dit-il, que nous tous, qui portons les armes, ayons devant les yeux que ce n’est rien que de nous sans la bonté divine, laquelle nous donne le cœur et le courage pour former et exécuter les grandes et hasardeuses entreprises qui se présentent à nous. »

Avec le même esprit de soumission qui lui fait reporter à Dieu ce que tant d’autres s’attribuent avec un jaloux orgueil, il nous témoigne encore « que Dieu a toujours voulu lui donner une bride, pour lui faire connaître que le bien et le mal dépendent de lui quand il lui plaît. » Ajoutons, chose touchante, après tant de pénibles récits, qu’il avait une dévotion toute particulière pour la sainte Vierge, envers laquelle il s’était engagé par des vœux qui avaient surtout pour objet de préserver les femmes et les filles des violences de la guerre.

Croirait-on qu’il est question de Montluc ? Ce n’est pas là pourtant la seule trace que l’on trouve, dans son livre, des sentiments d’humanité, qui ne lui furent pas toujours étrangers. On le voit, par exemple, s’apitoyer sur ses compagnons d’armes, pour qui la misère succédait généralement à une vie de dévouement et de péril. Par le noble pressentiment d’une pensée qui ne sera réalisée que dans le grand siècle, il appelle de ses vœux la création d’un hôtel des invalides, qui doit honorer le règne de Louis XIV. Entendons-le s’écrier, avec ce goût des apostrophes qui le caractérise, au