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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

rien d’héroïque que le courage. Il ne se trouve jamais assez récompensé, et plus d’une fois il montre l’amertume qui perce dans cette réflexion énergique comme une pensée de Tacite : « Il leur semble, dit-il en parlant des rois, que ce nous est encore trop d’honneur de mourir pour leurs querelles. » Les injustices qu’il a subies, les faux bruits, les imputations dont on a voulu le noircir, l’occupent beaucoup. Il se représente comme « un pauvre gentilhomme, vieux, estropié et défavorisé, » et ses récriminations sont aussi amères que fréquentes.

Après tout, malgré ses accès d’humeur et ses boutades, Montluc, qui en réalité atteignit le sommet des honneurs militaires, et que le bonheur accompagna toujours à la guerre, ne cessa de jouir d’un certain crédit et d’une réputation brillante comme homme de guerre. Vers 1568 le duc d’Anjou, depuis Henri III, lui donnait la preuve d’une singulière estime en lui disant « qu’il voudrait faire son apprentissage en si bonne école que la sienne. » Montluc pouvait donc, et à bon droit, se féliciter de sa bonne fortune. « Tout le monde, dit-il avec sa verve gasconne, n’est pas si heureux que Montluc, qui n’a jamais été défait ; » et ailleurs il ne craint pas d’affirmer « que personne, depuis cent ans, n’a été plus heureux ni plus fortuné à la guerre que lui. » La cause de son bonheur, il est vrai, c’est que nul ne s’épargnait moins dans le combat ; toujours présent pour commander, il se multipliait en quelque sorte, allant des uns aux autres ; si bien qu’à la fin de la bataille « il était en eau comme si on