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GUILLAUME BUDÉ.

les a vus naître ; il leur manquait ce qui seul rend les œuvres durables, le style. Produits d’une improvisation hâtive, plutôt que composés patiemment et à loisir, ils ont le caractère confus et indigeste qui marque presque toutes les productions des érudits de la renaissance. Il semble que ceux-ci plient eux-mêmes sous le poids de la moisson qu’ils ont recueillie ; leurs richesses s’échappent de leurs mains et tombent au hasard, sans qu’ils sachent les dispenser ’avec une sage économie. Ainsi, pour les écrits de Budé, aucune classification exacte, aucun ordre suivi dans les développements, aucune distinction rigoureuse de matières : l’auteur se repose à cet égard sur l’intelligence du lecteur, et ne soupçonne pas même les lois modernes du goût ; de là ces digressions interminables, de là ces souvenirs entassés de ses immenses lectures, qui forment un composé bizarre, où le sacré et le profane se heurtent confusément. Quant à son latin, nerveux et véhément d’ordinaire, il est souvent aussi chargé de mots inusités, dur et pédantesque. Budé écrit le grec d’une manière plus élégante et plus aisée ; et pour le français, s’il est vrai qu’il soit l’auteur de l’Institution du prince, ce que M. Rebitté n’incline pas à croire, mais ce qui est toutefois l’opinion générale, il faut avouer que, des langues qu’il emploie, la nôtre semble lui être la moins familière et la moins naturelle.

Des travaux si considérables avaient droit aux faveurs du jeune monarque dont l’ardeur nouvelle, nous dit Montaigne[1], avait embrassé si vivement les lettres

  1. Essais, II, 12, au commencement.