Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
380
PIERRE RAMUS.

dington, « il ne faut jamais séparer en lui le professeur du philosophe. » L’affluence des auditeurs qui entouraient sa chaire fut bientôt immense, et l’on vit se reproduire pour lui ces merveilles que l’on rapportait de l’antiquité. Comme un Espagnol était venu à Rome uniquement pour y voir Tite Live, des étrangers vinrent à Paris dans le seul but d’entendre Ramus, en sorte que l’on pouvait croire, à son cours, que « l’Université de Paris, ainsi qu’il le disait lui-même, n’était point l’Université d’une ville seulement, mais du monde entier. »

C’est que Ramus, outre l’étendue et l’originalité de son savoir, la facilité et l’éclat de son élocution, ne manquait d’aucun des avantages extérieurs qui recommandent l’homme en public et qui agissent sur une assemblée. Son aspect était si imposant, son débit si digne, qu’Étienne Pasquier a dit de lui « qu’il enseignait en homme d’État. » Aussi, dans cette époque de rivalités ardentes, son succès devait-il réveiller des haines et des hostilités mal assoupies. Les ennemis de Ramus entreprirent, en troublant son cours, de lui fermer la bouche ; mais ils ne firent par là que lui ménager de nouveaux triomphes. Homme de caractère autant qu’homme de talent, il montra qu’il savait lutter contre une cabale : loin de se laisser réduire au silence par le bruit d’un auditoire soulevé, il redoublait d’énergie et d’éloquence pour combattre et vaincre le tumulte. À ce propos il n’est pas inutile de rappeler, d’après son biographe, comment il y réussit plus d’une fois : « Il s’arrêtait à chaque interruption et at-