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PIERRE RAMUS.

ment pour les pauvres étudiants (car il n’avait pas oublié ses humbles débuts), sévère dans la pratique de tous ses devoirs religieux. La mauvaise fortune ne put jamais, malgré les situations pénibles qu’il eut à traverser, le plier jusqu’à l’oubli d’une juste fierté. Se trouvant dans une position critique à l’étranger : « J’ai résolu, écrivait-il, tant que j’aurai du courage, de conserver ma liberté en me suffisant à moi-même. » Et à ce jaloux amour de la liberté (cette vraie liberté qui réside dans l’âme) il joignait un rare désintéressement, qui ne fut pas d’ailleurs, on l’a vu, inconciliable avec son état d’aisance, assez expliqué par l’activité de ses travaux et l’extrême simplicité de ses habitudes.

L’homme fut donc, en tout point, digne de l’écrivain, sous la plume duquel abondent les idées généreuses. Le raisonnement n’a pas chez lui desséché le cœur : on peut l’affirmer hautement. Son but principal est de rendre la philosophie efficace. Par une pensée trop étrangère aux stériles métaphysiciens de l’école, il veut que, vivifiant la conscience, elle se traduise dans la conduite en nobles inspirations et en actes vertueux.

Si Ramus eut beaucoup d’ennemis (chose infaillible pour qui devance son temps et s’applique à le réformer), on comprend par tous ces motifs, nous l’avons déjà annoncé, qu’il n’ait pas manqué d’admirateurs. La publication que nous venons de rappeler a prouvé du moins qu’il était encore de nos jours digne d’une sérieuse estime. Difficile à retracer dans la riche multiplicité de ses aspects, cette physionomie accentuée a été bien saisie par M. Waddington ; en s’attachant à ce