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MARIE DE ROMIEU

Quand le jour adviendra de mon dernier vouloir,
Je veux, par testament, expressément avoir
Mille rosiers plantés près de ma sépulture,
Afin que, grandissant, ils soient ma couverture.
Puis l’on mettra ces vers, engravés du pinceau
En grosses lettres d’or, par-dessus mon tombeau :

« Celle qui gît ici, sous cette froide cendre,
Toute sa vie aima la rose fraîche et tendre ;
Et l’aima tellement qu’après que le trépas
L’eut poussée à son gré aux ondes de là-bas,
Voulut que son cercueil fût entouré de roses,
Comme ce qu’elle aimait par-dessus toutes choses. »


Dans un genre plus élevé, Colletet mentionne avec éloge, parmi les pièces de Marie de Romieu, l’élégie funèbre qu’elle a consacrée à Jean Chastelier. Il y signale le choix du mètre, la convenance des idées, l’émotion qui anime les vers. Par ce passage, on jugera en effet que la pièce n’est pas sans mérite :


Pleurez, mes yeux, pleurez pour peindre mes douleurs,
 Et que de vous sorte un ruisseau de pleurs !
Et toi, mon cœur, fends-toi d’une douleur profonde ;
 Fais que mon mort je suive en l’autre monde.

Trop cruelle Atropos… … Ah ! je suis hors de moi,
 Tant son trépas me cause un grand émoi !
Mais quoi ! mes yeux, mon cœur, toute chose naissante
 Est ici-bas mortelle et périssante !

Le temps emmène tout : le pape et l’empereur
{{tab}Meurt aussi bien que le lourd laboureur ;
C’est un arrêt donné, que toute chose née
 Est à la fin à la mort destinée.