Page:Feuillet - Monsieur de Camors, 1867.djvu/16

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tout, vous aurez besoin de sensations fortes. Les jeux sanglants des révolutions vous seront alors comme une amourette à vingt ans.

» Mon fils, je me fatigue. Je vais me résumer. — Être aimé des femmes, être craint des hommes, être impassible comme un dieu devant les larmes des unes et le sang des autres, finir dans uhe tempête, voilà la destinée que j’ai manquée et que je vous lègue : vous êtes fort capable avec vos grandes facultés de l’accomplir intégralement, si vous vous défaites de je ne sais quelle faiblesse de cœur que j’ai remarquée en vous, et qui vous vient sans doute du lait maternel.— Tant que l’homme naîtra de la femme, il y aura en lui quelque chose de défectueux.

» Je vous le répète en terminant : appliquez-vous à secouer toutes les servitudes naturelles, instincts, affections, sympathies ; autant d’entraves à votre liberté et à votre force.

» Ne vous mariez pas, si quelque intérêt supérieur ne vous y pousse.

» Si vous vous mariez, n’ayez point d’enfants.

» N’ayez point d’amis ; César, devenu vieux, eut un ami, qui fut Brutus.

» Le mépris des hommes est le commencement de la sagesse.

» Modifiez votre escrime, votre jeu est trop large.

» Ne vous fâchez point. — Riez peu.— Ne pleurez jamais. — Adieu.

» Camors. »