Page:Feydeau - La Puce à l’oreille, 1910.djvu/32

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RAYMONDE.

Ah ! ouat ! Tu dirais ouf !… Ça se raconte avant ces choses-là ! Moi aussi, cet amour continu, ce printemps partout, je trouvais ça fastidieux, monotone. Je me disais : « Oh ! un nuage ! une contrariété ! un souci ! quelque chose !… » J’en étais arrivée à songer à prendre un amant, rien que pour m’en créer, des soucis.

LUCIENNE.

Un amant, toi !

RAYMONDE.

Ah ! dame ! tu sais, il y a des moments… ! J’avais déjà jeté mon dévolu ; tiens, M. Romain Tournel, pour ne pas le nommer… avec qui je t’ai fait dîner avant hier. Tu ne t’es pas aperçue qu’il me faisait la cour ? Ça m’étonne, toi, une femme ! Eh ! bien, ç’a été à deux doigts, ma chère !

LUCIENNE.

Ah !

RAYMONDE.

N’est-ce pas ? comme il disait : « C’est le plus intime ami de mon mari ; il se trouvait naturellement tout désigné pour… » (Se levant.) Oh ! mais maintenant plus souvent que je prendrai un amant !… maintenant que mon mari me trompe !…

LUCIENNE, se levant également et gagnant la droite.

Veux-tu que je te dise ?

RAYMONDE.

Quoi ?