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ÉPREUVES MATERNELLES

né ses enfants. Elle regrettait aujourd’hui cette fuite déraisonnable. Servante pour servante, il eût mieux valu continuer à être celle de son mari, mais la révolte l’avait conseillée. Il fallait maintenant que Dieu jugeât. À force de racheter, peut-être gagnerait-elle la récompense espérée.

Ses maîtres étaient aimables et la commandaient avec politesse. Mme Rougeard la traitait d’égale à égale, ayant constaté sa bonne tenue et ses manières douces.

M. Rougeard, lui, par une habitude de magistrat, gardait une réserve froide en l’observant avec insistance.

Il disait à sa femme :

— Tu ne sais pas d’où elle vient, cette Marie Podel ? elle semble d’un monde supérieur aux travaux auxquels elle se livre.

— Je ne lui ai rien demandé, mais j’ai remarqué, comme toi, qu’elle est fort bien. Peut-être n’y a-t-il rien de surprenant à cela.

— Il est vrai que depuis la guerre, les classes se sont tellement mélangées.

— Puis, pourquoi ne trouverait-on pas des domestiques qui soient bien. Cela devient une situation moins discréditée depuis que les maîtresses de maison sont tenues de mettre la main à la pâte.

— Il y a cependant autre chose dans celle-ci… Ses gestes, quand elle sert, sont instinctivement harmonieux. Ce ne sont pas des gestes appris, mais innés. De plus, elle ne commet aucune faute de protocole, pas plus qu’une faute de langage. Aux yeux d’un observateur, cette femme est une personnalité.

— Je la surveillerai plus étroitement parce que je me méfie des gens qui sont trop bien.

— Je ne crois pas qu’il faille s’inquiéter… le visage est franc.

— Puis, as-tu constaté qu’elle devient jolie ? elle avait pâtir. Pour moi, c’est une veuve dans le besoin.

— Tu ne sais même pas si elle est mariée ?

— Je n’ai pas encore trouvé l’occasion de la questionner. Elle m’a dit s’appeler Marie Podel, et je n’ai entendu ni madame, ni mademoiselle.

— C’est étrange… C’est peut-être une femme abandonnée par son mari. Qui sait ? celle que nous