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ÉPREUVES MATERNELLES

Paul ne cessait pas de la dévisager et il répondait par monosyllabes, comme s’il se réservait d’entrer dans une conversation plus vive, pour l’heure où les domestiques ne l’entendraient pas.

Voyant ses efforts inutiles, Denise ne les poursuivit pas avec autant d’insistance.

Après le déjeuner, Paul la pria de venir dans son bureau, où il se rendait après les repas pour fumer en dépouillant ses journaux.

Il prit une cigarette, l’alluma et dit :

— Vous m’avez bravé… vous êtes allée chez votre frère ce matin…

— Quoi ! s’écria Denise abasourdie, vous le savez déjà ? je voulais vous l’apprendre dès que nous aurions été seuls.

— Vous essayez de me donner le change, parce que j’ai découvert ce que vous vouliez garder secret. Vous savez que ces façons n’ont aucune prise sur moi.

— Laissez-moi vous expliquer, mon ami.

— Je n’ai aucune explication à recevoir de vous dans le cas présent… Jamais, je ne vous pardonnerai de m’avoir joué.

— Mais je n’ai nullement pensé à vous contrarier. Si vous saviez au contraire, combien mon frère a été compréhensif à votre égard.

Au souvenir de tous les bons conseils de son frère, Denise redoubla de douceur.

— Assez d’affutation, d’amabilité, interrompit Paul, j’appelle votre attitude de fausseté… vous avez peur, tout simplement…

— Peur… pourquoi ?… questionna la jeune femme.

— Que je vous jette à la rue ! cria Paul qui ne pouvait plus maîtriser sa violence.

Cette phrase fut lancée si violemment et si grossièrement que Denise ressentit l’insulte comme si Paul avait eu le geste de la prendre par les épaules pour la pousser dehors.

Ses dispositions de patience s’effacèrent devant le choc qu’elle reçut. Elle eut un sursaut de fierté indignée et elle eût voulu s’enfuir à jamais.

Mais l’image de ses chers petits passa devant son esprit, et elle se contint. Elle articula cependant non sans peine :