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ÉPREUVES MATERNELLES

méchanceté avait triomphé quand, le matin même, elle reconnut Denise qui cheminait seule à pas rapides. Un rire diabolique trembla dans son visage.

Elle n’eut aucune peine à la suivre, d’autant plus qu’elle avait deviné où elle se rendait.

Elle exultait. Elle tenait là une dénonciation d’une réelle valeur qui allait confondre Denise et la précipiter de quelques degrés dans la mésestime de son mari. Elle connaissait trop les colères et l’entêtement de son cousin pour savoir que la jeune femme pâtirait durement. Cette fois, elle espérait bien que son règne serait terminé et qu’elle, la cousine Zode humiliée, trônerait à son tour en despote au foyer de Paul.

Elle était tout sourires.

Denise lui trouvait soudain un air démoniaque et elle frissonnait sous un effroi qu’elle ne parvenait pas à préciser. Avait-elle peur de son mari ou de sa cousine ? elle ne savait plus. Il lui semblait qu’elle descendait vertigineusement dans un gouffre.

Elle essayait de mettre sur le compte de l’émotion cette épouvante soudaine, car, rien dans ce dîner, dans l’attitude de Paul Domanet, ne pouvait faire prévoir un drame.

Il venait même à Denise qu’il se repentait de sa violence. Il avait certains égards auxquels elle n’était plus habituée.

Mme Zode renchérissait sur ces attentions avec des paroles aimables, et la jeune femme les regardait l’un et l’autre avec une surprise qu’elle dissimulait de son mieux. Cependant, elle acceptait cette accalmie avec une satisfaction qui rendait des couleurs à ses joues.

À la fin du repas, l’harmonie paraissait totale et la jeune femme chassait le cauchemar qu’elle avait vécu dans la journée.

Comme le disait son frère, un homme d’affaires peut avoir des accès nerveux dont il ne fallait pas exagérer la gravité. Sans doute, avec les années cette vivacité se calmerait et Denise s’évoquait au coin de son feu, plus tard, avec son compagnon adouci.

Il lui tardait de vieillir ! Ce désir eût surpris beaucoup de ses superficielles amies. Sa beauté et son cadre excitaient bien l’envie, et comme Denise était