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ÉPREUVES MATERNELLES

seule avec sa joie. Quand il rentra, il dut convenir que la présence des enfants la ranimait. Elle reprenait des couleurs et ses gestes devenaient plus vifs. Son air morne avait disparu et sa voix s’adoucissait en des inflexions tendres.

Il ordonna :

— Préparez les deux petits pour que je les remmène.

Denise se dressa, les yeux révulsés de terreur :

— Ils vont donc repartir ? bégaya-t-elle.

— Mais sans doute. Vous ne pouvez les garder. Pour tout le monde, vous êtes au loin, ne l’oubliez pas, je vais les reconduire à leur nurse.

— Vous m’effrayez… murmura-t-elle sourdement.

Cependant, elle ne protestait plus, sachant maintenant que c’était inutile. Elle voulait revoir ses enfants et par des déductions habiles, savoir où ils habitaient.

Quand elle saurait quel quartier les abritait, elle se sauverait, et dût-elle les demander de porte en porte, elle les retrouverait.

Elle leur dit au revoir en les serrant passionnément sur son cœur. Il lui semblait qu’elle ne pourrait les arracher d’elle.

Les deux petits s’en allèrent sans larmes. Ce grand appartement triste ne leur plaisait pas, et ils avaient une hâte instinctive d’en sortir.

Quand Denise les vit disparaître, son désespoir éclata. Elle croyait qu’elle serait forte, mais quand la porte se referma sur eux, elle les appela, voulant les suivre, se traitant de lâche de les avoir laissés partir. Ses doigts se déchirèrent après la serrure ; elle gémissait comme un animal pris au piège, qui veut s’enfuir et que le moindre mouvement blesse un peu plus.