Page:Fiel - Épreuves maternelles, 1930.djvu/8

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âge à lui et il affirma que du moment qu’il était là, sa présence la soutiendrait.

Elle ne protesta plus. Le répit qu’elle entrevoyait lui échappait. Elle aspirait au calme, et elle présageait des moments pleins d’agitation.

L’installation se précipita. Elle était parfaite. Denise fut priée d’aller chez un couturier en renom, son mari voulant qu’elle fût la femme la mieux habillée de Paris.

Quand tout fut au point et les salons prêts à recevoir un flot d’invités, Paul Domanet, un matin, dit à sa femme :

— Je vous prierai de ne pas accentuer vos exercices de piété… Que vous alliez à une messe basse, le dimanche… cela suffit. Je suis absolument contre ces manifestations religieuses… De plus, je voudrais que vous espaciez votre correspondance avec votre frère… Vous lui écrivez presque quotidiennement et cela me déplaît.

Denise écoutait ces paroles avec effroi. Son visage altéré, ses mains tremblantes, témoignaient de sa surprise et de sa douleur.

Elle aimait tendrement son frère, seul être qui lui restait au monde. Elle l’admirait et le plaignait. Elle lui écrivait presque chaque jour, surtout depuis son mariage, éprouvant le besoin de s’abriter en sa pitié. Elle n’osait pas lui avouer sa déception, de crainte de le peiner, mais elle se rapprochait de ce cœur si grand qui savait consoler de tout.

Évidemment, si ce grand frère eût pu prévoir la disparition prématurée de leurs parents, il ne serait peut-être pas parti si loin… Mais aujourd’hui son sort le retenait sur une terre lointaine.

Quand elle se fut reprise, elle s’écria :

— Mes lettres sont la seule joie de mon frère dans sa vie austère ! Pensez à sa solitude…

— Qu’il habite un pays civilisé !… Je ne suis pour rien dans sa destinée… riposta Domanet… J’entends que vous fassiez ce que je vous ordonne…

— Ne soyez pas si cruel, Paul… supplia Denise.

— N’essayez pas de m’attendrir. Ces jérémiades n’ont aucune action sur ma volonté.

— Mon frère sera désespéré…

— Il doit être à l’abri de tous les désespoirs humains, ricana plein d’ironie Paul Domanet.