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cinéma !… cinéma !…

— Tu me vois dans une boutique, servant les clients, avec la bouche en cœur ?

— Le commerce, c’est cependant le rêve, murmura M. Nitol.

— Ce n’est pas le mien ! lança Claudine en riant.

— Tu vas trop au cinéma et cela te fausse le juge­ment.

— Tu veux rire, maman !

— Pour aujourd’hui, j’espère que tu ne sortiras pas. Tu es pâle ; on voit que tu n’as pas assez dormi.

Claudine pensa qu’elle ne pourrait pas dire tout haut qu’elle irait au cinéma. Il fallait biaiser.

Toute innocence, elle feignit la surprise :

— Mais, maman, cet après-midi, je retourne avec les personnes du mariage, c’est convenu, elles m’at­tendent. Il paraît qu’il y a des restes. Nous aurons deux petites heures de danse avec goûter. Je serai rentrée pour dîner.

— Je ne peux guère t’interdire de retrouver tes amies, bien que tu me paraisses fatiguée. Je suis na­vrée de ta mine.

— Je n’y penserai plus demain ! Il faut profiter un peu de sa jeunesse !

Si Mme  Nitol était soulagée de savoir que sa fille n’irait pas au cinéma, Claudine était ravie de son stratagème pour y aller. Elle comptait si bien se délasser dans un bon fauteuil en face de l’écran.

Pour satisfaire cette passion grandissante, elle mentait, mais elle s’absolvait en se disant que substituer une partie de plaisir à une autre n’était qu’une simple transposition de la vérité sans aucune conséquence.

Toute gaie, elle partit, se dirigeant vers son cinéma habituel, mais non certaine d’y rencontrer son inconnu. Peut-être se dirait-il qu’ayant passé la nuit à danser, elle ne viendrait pas.

À sa grande joie, il la guettait devant l’entrée. À sa vue, il eut un geste de contentement et se hâta de prendre les places.