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cinéma !… cinéma !…

avec chagrin sa fille prendre des allures étranges. Son humeur changeait. Parfois gaie, parfois incroyable­ment sombre, la pauvre mère se demandait ce qui se passait sous ce front blanc.

Elle comprenait que Claudine désirait une autre existence, mais laquelle pouvait-elle lui donner ? Elle avait cru l’élever selon les meilleurs principes, lui faisant ressortir le contentement que l’on éprouve à se montrer satisfait de son sort.

Naturellement, ne se jugeant pas responsable, elle incriminait le flot de luxe qui envahissait le monde, et le cinéma qui faussait le jugement et déréglait l’es­prit. Cependant, chez elle, Claudine n’était pas mal­heureuse. La maison, qui manquait peut-être d’un confort dévolu à peu de gens, n’était pas sans chaleur ni agrément, mais pour quelqu’un qui s’entêtait à n’en pas voir les bons côtés, aucune parole n’était apaisante.

Le jour où Mme  Nitol avait eu cette scène avec sa fille et qu’elle avait eu les yeux dessillés sur la véri­table mentalité de Claudine, qui ne craignait plus les mensonges, la pauvre mère avait été atterrée. Cepen­dant, elle croyait encore que cet accès de colère et de dépression serait passager.

Mais quand elle ne l’avait pas vue rentrer le soir, une horrible inquiétude l’avait agitée, puis un dé­sespoir affreux.

Où avait échoué son enfant ? S’était-elle laissée prendre aux paroles trompeuses d’un séducteur ? Avait-elle cru vivre un rêve impossible, comme en présentent des films qui ont tant d’attraits pour les jeunes âmes ?

Son mari survint, et ses premières paroles furent :

— Claudine n’est pas encore rentrée ?

Mme Nitol refoula son angoisse et, d’une voix qu’elle s’efforça de rendre naturelle, elle dit :

— Sans doute Mme Herminie a-t-elle retenu ses ou­vrières pour un travail pressé.