Page:Fiel - Cinéma! Cinéma!, 1953.pdf/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
CINÉMA !… CINÉMA !…

— Et ici, tu es mal ?

— Non, m’man, mais ce n’est pas la même chose.

Claudine jeta autour d’elle un regard plein de pitié. C’était dans la salle à manger qu’elle causait avec sa mère et les meubles en étaient classiques. Ils ne res­semblaient en rien au mobilier luxueux que montrait le cinéma.

Claudine comprenait pourtant que ses parents ne pouvaient pas tout d’un coup devenir riches, pour se meubler comme des princes. Pour l’avenir, elle espé­rait bien ne pas se loger dans un appartement exigu. Il lui fallait un hall avec des tableaux, des meubles choisis. Pour le moment, elle patientait tout en se formant le goût. Elle n’avait que dix-neuf ans, d’ail­leurs, et elle voyait devant elle une vie longue, longue… Pour le moment, elle devait se contenter de la vue des belles choses sans songer à les posséder.

Mais rien que de penser qu’elle pourrait les avoir un jour, la remplissait de joie. Avec ses compagnes d’atelier, toutes férues de cinéma, à son exemple, sauf une, elle s’amusait à décrire ce qu’elle aurait plus tard. C’était à qui, de ces jeunes cervelles, for­merait les plans les plus audacieux pour leur futur foyer. Le mari, les enfants, comptaient peu, mais en revanche, quel luxe de réceptions dans des salons qui ruisselaient de dorures, de girandoles ! Quel buffet où l’on se gorgeait de mets délicats !

Les pauvres petites ne savaient qu’inventer pour le palais de leurs hôtes, et quand elles avaient com­posé leurs menus, elles couraient chez la crémière pour déjeuner d’une tasse de cacao avec un petit pain, maigre nourriture qui les anémiait.

Claudine s’en alla en claquant la porte.

Rien que le petit trajet qu’elle avait à fournir l’égaya. D’avance, elle savourait le spectacle qu’elle allait voir. C’était un roman d’amour, ce qui l’en­chanta. L’ambiance en était « enlevante », tandis que les documentaires l’ennuyaient. Cela lui était extrê-