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l’ombre s’efface

aux prises avec ce méchant. J’en oubliais ma nais­sance.

Naturellement, le matin ensoleillé chassa toutes ces fantasmagories et je me préparai à affronter ces messieurs.

Jacques ne paraissait pas soucieux, mais parfois une ombre passait sur son front et je m’empressais de la faire disparaître par des paroles affectueuses. Un peu de nervosisme accompagnait ses gestes.

Tout de suite après déjeuner, je me rendis dans ma chambre pour refaire ma beauté, parce que nous devions partir vers 14 heures.

Je fus bientôt prête et nous nous en allâmes. Mon cœur battait quelque peu, bien que j’affectasse une gaîté que j’étais loin de posséder, à mesure que je me rapprochais du but.

Ce fut comme en un rêve que je me vis devant M. de Gritte.

L’entrée dans la maison, la porte ouverte par An­selme, rien n’avait marqué sur moi, éprouvant un état de somnambulisme dont je ne me réveillai qu’en entendant une voix chaude me saluer :

— Soyez la bienvenue, chère enfant, au foyer d’un vieil ami.

Je posai mes doigts dans une main tendue, puis M. de Gritte se tourna vers Jacques qu’il embrassa en murmurant :

— Mon cher petit…

Mon mari était violemment ému. Je n’osais le re­garder, mais je savais que ses lèvres tremblaient et qu’il ne pouvait prononcer un mot.

Enfin la situation se détendit ; puis Jacques, après quelques phrases aimables concernant l’appel et la réception affectueuse de M. de Gritte, se hasarda à demander :

— Et… Hervé ?

— Oui, Hervé, répliqua M. de Gritte avec embarras ; mon fils a parfois encore des accès de désespoir. Je lui ai annoncé ta visite, parce que j’étais sûr que tu viendrais, mais il a prétexté une course urgente. Ne t’en affecte pas, mon petit ; tu connais le caractère entier d’Hervé, joint à une certaine attitude de fidé­lité. Je ne voudrais pas insinuer qu’il oublie ta chère petite sœur, mais il veut passer pour un inconsolable.