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— Tu t’es promené, mon gars, tu as fait provision d’air ?

— Oui, voisin.

Louis avait répondu sans s’arrêter et le porion dit à sa fille :

— Il n’a pas sa gaîté ordinaire, le fiston ! vous vous êtes rencontrés et tu l’as malmené ? Ne le brusque pas, c’est un de nos meilleurs ouvriers. Jamais il ne recule devant l’effort, et jamais il ne refuse son aide. Ah ! je voudrais l’avoir pour gendre.

Léone tressaillit. Non seulement, elle décevrait son père, mais elle attristait son camarade d’enfance.

Elle franchit le seuil de la petite maison, où elle trouva sa mère, l’aiguille à la main.

— Oh ! maman, tu ne te reposes pas un peu ?

— Mais si, puisque nous sommes allés à la messe ce matin, cela m’a fait trois quarts d’heure de repos.

— Je vais t’aider maintenant. Ce sont encore les petits qui ont déchiré leurs tabliers ?

Les deux femmes s’affairèrent à leur ouvrage.

Léone restait plus silencieuse que de coutume, ce qui surprit sa mère.

— Ça ne va pas, petite ?

Léone hésita pour répondre, puis elle murmura :

— Je suis ennuyée parce que Louis m’a demandé si je voulais l’épouser.

— Oh ! le cher garçon !

— Je lui ai répondu non.

— Tu es folle !

— Je veux quitter le pays.

L’ouvrage tomba des mains de Mme Aumil.

— Où veux-tu donc aller ?

— Je ne sais pas encore, mais je ne veux plus rester dans cette poussière noire, ne voir jamais le soleil qu’à travers un brouillard noir.

— Tu exagères, petite. Attends l’été, et tu verras de beaux jours.

— Ils durent si peu !

— Ainsi, tu nous quitterais, je serais sans aide pour ravauder nos cinq hommes !

— Si je me mariais, maman, tu serais seule aussi et mes frères aînés peuvent se faire raccommoder, ils ont déjà de bons gains.