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Mme Gagnat qu’il appelait « ma tante » se trouvait très intéressée par ce jeune parent qu’elle connaissait à peine et qui était allié à son mari.

— Alors, il y a toujours du soleil chez vous ?

— Toujours, et puis, il y a de tout, des fleurs, des fruits, on les voit pousser, un jour, c’est une pomme grosse comme une bille et le lendemain, elle est grosse comme une tête. Et les fleurs ! je travaille dedans, je regarde un bouton de rose, j’en regarde un autre, et le premier est déjà épanoui ! Ah ! bagasse, quel pays !

— Et vos parents sont restés à Marseille ?

— Bé, oui ! ils ont un cabanon, et ne veulent pas le quitter, c’est vrai qu’il est beau ! Et le jardin ! un vrai paradis terrestre !

— Que dites-vous de notre contrée ?

— Oh ! là là, c’est à se demander comment on peut y résider ! j’aimerais mieux sentir le mistral toute l’année.

— Qu’est-ce que c’est que le mistral ?

— Comment ! vous ne le connaissez pas ? C’est un monstre qui renverse tout. Les voitures marchent toutes seules quand il roule dans leur sens, un homme est soulevé comme une paille. Le mistral, pechère ! c’est une force incalculable qui pourrait emporter une ville entière, s’il le voulait !

— En voilà un pays que je n’aimerais pas habiter ! s’écria Mme Gagnat.

— Goûtez-en, et vous ne le quitterez plus !

— Avec le mistral, non.

— Mais on le mate, ma tante, notre mistral, et il devient doux comme la brise. On le flatte et il referme ses tourbillons.

Marius se rengorgeait et continuait de palabrer avec une verve croissante.

Alors arrivèrent le mineur Gagnat avec ses fils aînés. La conversation devint générale et étourdissante. La voix du Marseillais dominait, et chacun de rire de ses histoires.

Léone se disposa à rentrer chez elle.

Marius ne la perdait pas de vue, malgré ses discours et, quand il la vit prête à franchir le seuil, il s’élança en disant :

— Je vais vous reconduire !

— Ce n’est pas la peine, merci, c’est la maison d’à côté.

— Oh ! vous êtes voisine ! que c’est gai ! Eh ! bien, je vais