Page:Fiel - Le Sacrifice et l'Amour, paru dans l'Écho de Paris du 3 février au 7 mars 1934.djvu/18

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pos quand on y parle avec confiance. Après s’être installée, la jeune étudiante reprit :

— Sais-tu que je te trouve silencieuse, Christiane ? Tes yeux ont dû pleurer… Aurais-tu quelque peine ?

Les paupières de l’interpellée battirent. Bertranne comprit qu’une circonstance anormale troublait la quiétude de son amie. Pour l’instant, elle était positive. Elle se créait une philosophie quelle pratiquait beaucoup en paroles pour essayer de se convaincre.

Elle jeta, dans une insouciance voulue :

— Tout chagrin est une question de relativité. Depuis la guerre, le mot a évolué et on ne peut plus y voir le même sens que naguère… Un chagrin, maintenant, c’est de perdre ses enfants dans une tuerie horrible… Or, quel malheur a pu te survenir ? Tu n’as encore ni mari, ni enfants, ta mère est là, et ta fortune est solide. D’avance, je conclus donc à une exagération de ta sensibilité.

Bertranne réduisait les causes et procédait par élimination. Elle continua tranquillement, tout en dégustant une tomate farcie :

— Il te reste donc la peine d’amour. Je n’en parlerai pas par expérience. parce que les hommes que je rencontre ne m’ont pas donné l’occasion de les aimer. Je dis occasion. avec intention, car l’amour est