Page:Fiel - Le Sacrifice et l'Amour, paru dans l'Écho de Paris du 3 février au 7 mars 1934.djvu/195

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tendu est terminé. Il se cantonne dans le détail. Les incidents deviennent d’ordre pratique : le déjeuner est raté… la paire de gants a craqué… il y a des déchirures dans les bas ou les chaussettes ! Ah ! que c’est triste cette dernière calamité qui tue la poésie ! Comment dire avec tendresse que monsieur déchire ses chaussettes ! Adieu, les rêves qui vous transportent… On est rivé au conjoint que l’on aime et on sait que chaque matin il aura les mêmes manies… Il éternuera deux fois avant de s’asseoir pour déjeuner… De son côté, il fera des remarques analogues, et ne pourra que se dire avec mélancolie que c’est pour la vie.

Christiane écoutait avec surprise les paroles de Bertranne.

Son amie évoquait avec verve quelques esquissés de l’intimité où la camaraderie tenait plus de place que le véritable amour.

Bertranne continua :

— Je ne puis nier mon bonheur… Je le touche tous les jours… Il est là, solide. Robert est la bonté même, mais il reste concentré, c’est sans doute sa nature. Pourtant, je le croyais plus ouvert, plus animé. Il est affectueux, doux, et ne montre de véritable entrain que pour les choses d’art. Dans ces moments-là, j’ai envie de lui crier : Réservez un peu de cette furia admirative pour votre femme. Il se pique aussi de psychologie et il m’amuse par les déductions qu’il tire de ses observations… Nous parlons beaucoup de nos amis et de toi, en particulier.