Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/111

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— Et pourquoi donc ?

— Je vais me marier.

— Comment ! déjà ?… Vous paraissez si jeune !…

— J’ai vingt-deux ans…

— Juste mon âge, dit Denise, prenant la parole pour la première fois.

Mathilde, qui ne la quittait pas des yeux, crut voir une ombre se répandre sur le joli visage quand le mot mariage avait été prononcé. Cette constatation fit qu’elle examina plus attentivement encore la jeune fille durant que la conversation se poursuivait.

— Qui épousez-vous ?

— Un ouvrier de mon père.

— Ah ! mais, à propos, lança soudain Mme  Alixin avec impétuosité, avez-vous éclairci l’énigme de ce jeune ouvrier que votre père m’a envoyé ? J’en suis encore stupéfaite… Est-ce lui que vous épousez ?

— Oh ! non, répondit Mathilde, je ne pouvais être un parti pour ce jeune homme…

Puis elle continua plus lentement en regardant Denise :

— Ce n’était pas un véritable ouvrier… Il était chez mon père en amateur, bien que très habile. Ruiné, il travaillait pour subvenir aux besoins de son père qui était malade…

Denise Laslay jeta un cri :

— Son nom ?… demanda-t-elle.

— Gérard Manaut…

L’émotion fut la plus forte et Denise Laslay s’affaissa.

— Qu’y a-t-il ? s’exclama pleine d’affolement Mme  Alixin. Denise, qu’avez-vous ?

Mathilde s’était précipitée, et, tenant dans ses bras la jeune fille, elle la porta jusqu’à une chaise longue où elle l’étendit.

Mais Denise était déjà remise. La surprise seule l’avait étourdie. La voyant mieux, Mme  Alixin s’écria en riant :

— Décidément, cet ouvrier a le talent de provoquer des incidents… Je n’ai même pas eu le temps de m’apitoyer sur son sort… Cependant, je n’ai pas encore l’explication de sa fuite rapide…

— Cela se devine parfaitement, répliqua Mathilde, c’était sa fierté qui le conseillait…

Si Mme  Alixin n’était qu’à demi convaincue par cette solution un peu bizarre, Mathilde se trouvait satisfaite d’avoir su trouver si vivement cette raison.

Denise, elle, jetait des yeux éperdus autour d’elle. Une foule de pensées, de questions, venaient à ses lèvres, mais elle ne pouvait rien proférer. Elle regardait Mathilde et se demandait si cette jeune fille était au courant de ce qui lui était survenu.