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CHAPITRE III

Alors que Gérard, hâtivement, organisait son départ, M.  Laslay, ce jeudi matin, assumait la pénible mission de prévenir Denise de la douleur qui l’attendait.

Il n’avait pas encore parlé à sa femme. Quand il était rentré, la veille au soir, il avait essayé de rendre la sérénité à son visage, afin de ne pas inquiéter les siens. Mme  Laslay, néanmoins, avait compris qu’une pensée douloureuse l’obsédait, mais elle s’était tue, sachant qu’elle apprendrait toujours assez tôt le malheur qui bouleverserait le foyer.

Mme  Laslay avait mal dormi, et elle devina que son mari s’était bien mal reposé, lui aussi.

Elle lui dit simplement :

— Mon pauvre ami…

Il lui serra la main en silence. Depuis vingt-cinq ans, ils avaient été bien vaillants tous deux, mais aujourd’hui, devant la peine qu’il fallait faire à leur enfant, ils se sentaient sans force. Mme  Laslay murmura dans un souffle :

— Il s’agit de Denise, de Gérard… leur mariage doit se rompre, n’est-ce pas ?

M.  Laslay inclina la tête. Puis, il s’écria :

— Ne me demande rien !… Laisse-moi toute mon énergie… Dis à Denise de venir dans mon bureau et accompagne-la…

Mme  Laslay glissa sans bruit vers la chambre spacieuse qu’occupaient ses quatre filles. Elle entendit le rire clair de Denise. Elle avait trouvé l’arrangement de son futur boudoir. Des tentures de soie rose. Un tapis bleu pastel avec un jeté de roses.

Sa mère ferma les yeux, la main crispée sur sa poitrine. Elle hésita quelques secondes. Puis, elle entra dans la chambre d’où s’épanouissait la gaieté :

— Denise, ton père veut te parler…

— Bien, maman… J’y vais tout de suite…

La jeune fille courut. Elle ne pressentait rien. Elle arriva dans le bureau de son père, avec cet air profondément heureux qui allait s’évanouir soudain. Sa mère la suivait.

Mme  Laslay s’assit en face de son mari qui parla sans attendre.

— Ma petite Denise, tu vas te montrer une femme courageuse… Tu sais que la vie comporte des épreuves…

Denise était debout. Une pâleur de cire s’étendit sur ses traits.