Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gérard suivit Mme  Alixin. C’était une femme touchant la soixantaine. Son mari était professeur en Sorbonne, comme Gérard l’apprit plus tard.

Il pénétra à sa suite dans une chambre qui lui fit plaisir à voir, parce qu’elle était confortable. Le coffre lui fut désigné. Il l’examina et prit les empreintes.

Mme  Alixin, soudain, ouvrit une porte de communication et s’écria :

— Ma petite Denise, voudriez-vous être assez gentille pour me chercher mon sac dans le petit salon pour que je donne un pourboire à ce jeune homme ?

— Mais oui, Madame.

Gérard, pâle comme un mort en entendant le nom de Denise, faillit s’évanouir en percevant la voix. C’était bien Denise Laslay qui répondait…

Denise à Paris… qui le verrait sous sa tenue d’ouvrier !… Il ne sut plus ce qu’il faisait.

Pendant que Mme  Alixin attendait son sac entre les deux portes, il rassembla vivement ses outils, et quand la jeune fille arriva elle vit l’ouvrier de dos. Il s’en allait, dédaignant les appels de Mme  Alixin.

Denise Laslay fut frappée par cette tournure qui lui rappelait son ancien fiancé.

— Jeune homme ! criait la cliente.

— Il ne veut pas de pourboire, dit Denise.

— C’est incompréhensible, murmura sa compagne vaguement apeurée. Elle regarda autour d’elle, dénombrant instinctivement tous les objets qui se trouvaient dans la chambre. Elle se figurait avoir eu affaire à un voleur.

Denise aurait ri, la jeunesse considérant tout sous un ordre plaisant, mais elle ne riait plus guère depuis six mois. Puis l’évocation soudaine de Gérard Manaut troublait, pour le moment, tout son entendement.

— Pourquoi cet ouvrier est-il parti si vite ? répétait Mme  Alixin qui ne cessait pas d’être angoissée.

— Sans doute ne jugeait-il pas son travail terminé, murmura Denise.

— Je suis toute décontenancée… Figurez-vous que j’avais cru un moment que c’était un garçon bien élevé. Sa façon de se présenter se différenciait de celle des ouvriers ordinaires.

Denise ouvrait de grands yeux dont le regard se posait sur ceux de Mme  Alixin comme une interrogation. Elle semblait demander :

— Il y a une suite à ce que vous pensez…, une suite que j’attends, que vous devez me révéler et que j’ai le droit de savoir, moi, Denise…