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marane la passionnée

Elle ne me dit pas un mot.

Je me couchai et je m’endormis comme un petit enfant.

Je me réveillai joyeusement le lendemain, mais je pensai soudain à Jeanne de Jilique, et toute ma gaîté tomba.

Je ne pouvais m’accoutumer à l’idée qu’elle était mariée. Chaque fois que cette réalité me venait à l’esprit, il me semblait que la pointe d’un stylet me transperçait le cœur.

J’en avais d’autant plus de peine que ma mère m’avait dit que le mariage ne serait pas pour moi !

Je procédai rapidement à ma toilette et je rejoignis maman dans la salle à manger. Je la saluai sans l’embrasser, parce que je supposais que eela ne lui causait nulle joie. Je dis aussitôt, hantée par mon idée :

— Il va y avoir dix mois que cette méchante Jeanne de Jilique est mariée.

— Laisse donc cette pauvre Jeanne en paix !

— Mais je suis très vivement intéressée par cette femme fausse, fourbe et traîtresse.

— Modère-toi, interrompit maman, je n’aime pas t’entendre parler ainsi. On n’accuse pas sans cesse les autres. On s’interroge, soi.

— Je m’interroge, tranchai-je, et je ne vois nulle trahison dans ma conscience. Plût au ciel que je pusse trahir achevai-je avec véhémence.

— Que signifient tes paroles ?

Je restai un moment sans répondre ; puis je murmurai, excédée :

— Elles ne veulent rien dire du tout.

— Tu es incompréhensible !

— Tant mieux !

Je déjeunai en silence. Maman reprit :

— Tu sais que la fête de l’Assomption sera la semaine prochaine ? J’ai l’intention de me rendre au village pour me confesser. Je pense que tu m’accompagneras ?

Je me sentis pâlir. Puis, rapidement, je répliquai :

— Je ne crois pas. J’ai autre chose à faire. Je ne sais quel jour j’irai. Il faut que j’y réfléchisse.

— Marane ! cria maman.

Elle était livide.