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marane la passionnée

— Mais je ne veux pas préparer l’École centrale !

— Tu pourrais être plus patiente, plus réservée ; mais il te faut les aventures, les courses périlleuses, les cris…

— Je n’en abuse pas. Mon aventure est tout à fait banale, mes courses se limitent à la roche de la Mouette. Quant à mes cris, ils se bornent à deux « Ayaya » lancés à mes chiens ; ce sont là mes méfaits.

— Tu me tourmentes. J’ai toujours peur de te savoir à la merci d’une tempête.

— Je ne vais plus en barque !

— Et puis, ce M. Descré, cet étranger, ces entretiens absurdes.

— Je ne puis pourtant pas rester prisonnière dans ce manoir, parce qu’un homme intelligent a su découvrir la beauté grandiose de ce pays !

Ma mère secoua la tête. Évidemment, elle se sentait impuissante devant les circonstances.

Je poursuivai gaîment :

— Tout cela changera. Ne te fais pas de souci, ma pauvre maman. Le mariage éteindra les enthousiasmes. J’aurai d’autres buts. J’élèverai de chers petits Descré, et tu trouveras la vie admirable.

Maman se boucha les oreilles.

Cependant, ce soir-là, elle me donna pour mes dix-huit ans un superbe diamant de famille.

Je fus éblouie par ce cadeau.

Je le remis pourtant dans son écrin, en disant que je voulais d’abord porter à mon doigt une bague de fiançailles.

— Tu es bien gentille, maman ; mais ce beau bijou ne me causera un réel plaisir que lorsque je serai fiancée. Jusque là, je veux que mes doigts restent sans ornement.

— Agis selon ton inspiration, me répondit maman.

Dans ma chambre, je rouvris mon écrin et je m’amusai à contempler les feux du diamant.


XV


Comme le temps était beau ! Quel charme se dégageait des arbres aux feuilles renouvelées ! Que le ciel me semblait pur et que la nature me semblait harmonieuse !