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marane la passionnée

Et pourtant, l’ensorcelant printemps illuminait la terre. Tout était rose. J’avais rêvé d’être heureuse et la fatalité s’abattait sur moi.

Au lieu du doux accord que j’escomptais, c’était un destin ironique qui cheminait près de moi.

— Ne pleure plus, Marane.

Mes larmes étonnaient ma mère. Pour une rare fois, elle mesurait ma sensibilité, mais elle se demandait de quelle cause elle provenait.

— Est-ce le désagrément de te savoir calomniée chez nos gens, qui t’alarme ainsi ?

— Oh ! non, chacun me connaît. Je suis désespérée parce que M. Descré me croit autre que je ne suis.

— Je t’avais prévenue.

— Je l’aime, maman.

— Toutes les jeunes filles ont un chagrin d’amour.

— Je veux faire exception ! criai-je avec colère.

— Nul n’y peut rien.

— Je me défendrai. Je veux que M. Descré soit à mes genoux ! Je veux qu’il devienne fou de moi, à cause de mes belles qualités !

— Que tu es passionnée, Marane ! J’ai peur de toi, je t’assure.

— Ne me crains pas, maman. J’ai une conscience claire.

— Non… parce que tu ne sais pas pardonner à tes ennemis.

Je regardai ma mère au fond des yeux. Elle tressaillit. Mes pleurs étaient séchés et j’eus même un sourire ambigu.

Ô joie ! elle me comprit.

— Marane ! cria-t-elle, transfigurée, en me prenant dans ses bras.

— Oh ! maman chérie, répondis-je d’une voix étouffée.

— Peux-tu me dire la vérité ? bégaya-t-elle, tremblante.

— Pas encore, murmurai-je en me dégageant de son étreinte.

Soudainement, elle avait rajeuni. Une lumière irradiait son visage et elle me contemplait souriante.

— Ah ! s’écria-t-elle, je revis ! Il me semblait pourtant que ton cœur était bon, mais je restais indécise comme